Épisode 2 : l'exil

À la cour du roi Marc, tous se demandent qui est le fou qui les délivra du géant Taulas de la Montagne. Le roi Marc se met en quête de la fontaine aux berger et ramène Tristan à Tintaïol. Là-bas, nul ne l’aurait reconnu, si ce ne fut son chien Hudent. Marc, le roi félon, le condamne alors à l’exil.

Les barons de Cornouaille viennent nombreux à Tintaïol pour escorter monseigneur Tristan et pour assister à son départ. Le roi Marc dit qu’il le conduira en personne jusqu’à la mer. En approchant du rivage, ils rencontrèrent un chevalier venu de terre étrangère jusqu’en Cornouaille uniquement pour voir les prouesses chevaleresques de Tristan, pour jouter contre lui et le combattre. Et sachez que ce chevalier avait pour nom Dinadan.
« Certes, fait-il, celui qui a fait jurer à monseigneur Tristan de partir n’aime guère la Cornouaille car celle-ci se dégradera à cause de son absence. Et sans que tous ceux qui y resteront puissent accroître sa valeur. »

Une fois à bord, messire Tristan s’appuie sur le bastingage et se tourne vers les Cornouaillais en leur disant d’une voix si forte que tous ceux qui étaient présents purent l’entendre clairement :
« Seigneurs de Cornouaille, j’ai longtemps demeuré parmi vous et je croyais me trouver au milieu de mes amis. Mais je constate que vous avez toujours été des ennemis mortels comme si j’avais tué le frère de chacun. Si vous voulez bien vous en souvenir, j’étais puissant quand je me hasardai à affronter le Morholt, le meilleur chevalier du monde, pour délivrer la Cornouaille du servage outrageux où elle se trouvait. Vous étiez tous serfs et je vous ai délivrés. Dès ce moment, je le sais, la Cornouaille devint redoutée comme il apparaît encore. Après l’affaire du Morholt, je voulus mettre à mort pour vous le roi de Norgale devant Tintaïol ; il avait pénétré par la force en Cornouaille pour venger la mort de son fils que le roi Marc, je le sais, avait tué assez outrageusement. Je vous délivrai une troisième fois qui ne fut pas la moindre. Je vous libérai du roi des Cent Chevaliers qui était venu en Cornouaille sous l’apparence d’un chevalier errant et ce n’était pas par amour pour ce pays.
» Seigneurs barons de Cornouaille, vous vous souvenez bien de tout cela. Vous auriez tous été avilis ou tués, sachez-le. Regardez donc, seigneurs barons, comment j’ai œuvré en Cornouaille. Il n’y a encore guère de temps, je tuai Taulas de la Montagne, le géant qui avait une force prodigieuse et qui aurait bien semé la mort s’il avait vécu longtemps. Mais je l’occis. Je vous libérai. Seigneurs barons de Cornouaille, tout ce que je vous ai rappelé, je l’ai fait pour vous sauver. Et vous, que fîtes-vous pour moi ? Vous recherchâtes mon malheur autant que vous pouviez. Et au final, vous me chassez de Cornouaille. Dites-moi, quand vous ai-je nui pour mériter une telle récompense ? »

Que vous dire ? Toute la journée et toute la nuit ils voguèrent sur les flots. Et le lendemain, avant le lever du soleil, ils arrivèrent à terre. Voyant la terre ferme, messire Tristan demande aux marins :
« Où avons-nous accosté ? »
Et ils répondent :
« Apprenez que nous sommes en Grande Bretagne, assez près de Kamaaloth, Dieu merci, comme vous nous l’avez demandé. »

Messire Tristan reste sur le rivage, muni de ses armes, et regarde le navire qui file vers la Cornouaille. Dinadan qui l’avait accompagné jusqu’ici lui dit :
« Sire, partons, s’il vous plaît. Nous n’avons que trop tarder. »
De désespoir, Tristan jette son écu par terre.
« Ah, roi Marc ! Tu m’as avili ! Tu n’aurais jamais pu te venger plus cruellement de moi qu’en me chassant de Cornouaille ! Ah, roi Marc, comme tu m’as fait du mal ! Si tu m’avais tué quand tu me tenais dans ta prison, tu m’aurais fait moins de tort qu’en m’expulsant hors de Cornouaille. Hélas ! Malheureux Tristan ! Tu es né pour ton malheur. Tu ne connus que la douleur depuis que tu es en vie. Et te voilà chassé et expulsé de Cornouaille comme si tu étais un voleur ou un meurtrier. Ah, Dieu ! Mes tourments finiront-ils un jour ? »

Le lai d'Iseult

Ami, personne ne vous vaut,
Ni vous, ni vos faits très hauts
Au monde il n’y a plus que canaille ;
Le grain a bien changé son nom en paille.

Ami, par votre effort
Fut occis mon oncle le fort ;
Marc est de servage ôté ;
Vous êtes mort, par Dieu quelle pitié !

Générique

Enregistrement, montage, mixage et design sonore : Xavier Collet - printemps-été 2020
Musique originale : Nicolas Sarris et Xavier Collet
Avec : Nathalie Vinot (narration et chant), Nicolas Sarris (chant et piano) et Xavier Collet (synthétiseur modulaire)
Adaptation : Cécile Troussel

Série réalisée avec le soutien de la région Occitanie Pyrénées-Méditerranée et de l'État – Préfet de la région Occitanie
Tristan, tome 2, La Table Ronde, est publié aux éditions Anacharsis. Traduction du moyen français par Isabelle Degage depuis le manuscrit 2537 daté du XVe siècle et conservé à la bibliothèque de Vienne.

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