Épisode 4 : Palamède, ou le combat à mort

Les aventures du Graal mènent les chevaliers de ci, de là, dans les forêts profondes. Il advint qu’un jour, Tristan jura assistance à une demoiselle que sa sœur accusait de parricide. Et qui se présente pour défendre la sœur accusatrice ? Palamède ! Les mortels ennemis ont enfin l’occasion de vider leur querelle sur le champ de bataille (voir l'épisode 6 de la saison 3 : les amants magnifiques). La bataille sera plus cruelle, merveilleuse, grande et magnifique qu’aucun duel qu’on vit jamais au royaume de Logre.

On ne s’attarde pas. Palamède enfourche son cheval. Tristan aussi. Chacun pénètre sur l’aire du duel. Un chevalier, qui pleure par compassion et qui soupire, conduit Tristan. Le roi Galehondin en personne guide Palamède. Ils entrent, extrêmement pensifs. Le plus hardi craint à présent pour lui-même. Car l’un sait bien ce que l’autre sait faire. Une fois sur le champ, vint le moment de briser les lances et d’entamer la première joute. Ils s’élancent et vont à la rencontre l’un de l’autre aussi violemment que la foudre. Ils se heurtent si brutalement avec leurs corps et leurs écus, avec la poitrine de leurs chevaux qu’ils tombent tous les quatre. Jamais plus les chevaux ne serviront à un homme valeureux. Et les deux chevaliers se sont frappés si férocement qu’ils sont tout étourdis et ne savent s’il fait jour ou nuit. Ils ne peuvent pas bouger. Si Tristan est fort, il a trouvé cette fois celui qui lui a montré sa puissance. Si Palamède croit en sa grande valeur et en son grand pouvoir, il a trouvé celui qui, avec sa force, lui a joué un tour tel que tous ses membres lui font mal. Après être restés longuement étourdis, ils se relèvent avec difficulté. Tristan se redresse le premier et observe Palamède qui se levait déjà. Mais il était encore égaré. Il regarde autour de lui comme un homme ivre.  

Le roi Galehondin lui-même, qui était près des chevaliers, dit à voix basse à ceux qui l’entouraient que jamais de sa vie il n’assista à une joute aussi brutale. Un de ses chevaliers lui dit :
« Ils sont d’excellents chevaliers comme vous le savez et se vouent une haine mortelle. Et puisque les voilà réunis, ce combat ne prendra fin qu’à la mort de l’un ou peut-être des deux.
— C’est bien possible, approuve le roi qui les laissent ensemble. Mais devant Dieu, je ne voudrais pas que cela advienne pour toute la terre que je possède. Je préfèrerais la perdre plutôt que deux hommes vaillants fussent tués devant moi et à ma cour. Et Dieu me protège que cela n’arrive de mon vivant au royaume de Sorelois. »

Les deux chevaliers, qui s’étaient mutuellement abattus, qui se voulaient grand mal depuis longtemps et qui se vouaient une rancune mortelle pour l’amour de la reine Iseult, retrouvent enfin leurs forces. Une fois en possession de leurs capacités, ils empoignent leurs épées et débutent l’assaut si violent, si brutal que ceux qui les observent tremblent de peur. Ils disent qu’il est prodigieux qu’ils ne soient tués par les rudes coups qu’ils se portent. Palamède, qui sait que la ruse ne lui servira à rien, s’avance à grands pas vers Tristan, l’épée dressée. Il lui donne sur le heaume un coup si puissant que malgré sa grande force, Tristan trébuche sous l’impact. Palamède veut recommencer pour le mettre à terre s’il le peut et par tous moyens. Mais Tristan, qui est intuitif, saute en arrière.

« Avec cette épée, dit Tristan, par laquelle le riche Morholt fut tué, je mettrai fin à ta vie et abattrai le grand orgueil de Palamède. » (voir l'épisode 5 de la saison 1 : le combat)
Palamède répond :
« Tristan, Tristan, sache vraiment que je te ferai subir le même sort, si je le peux, et je sais que ce sera possible à l’aide de ma lourde épée. Recommençons la bataille car nous avons trop tardé. »

Ces paroles dites, ils n’attendent pas et recommencent le duel. Ils ne s’épargnent pas. Ils sont des ennemis mortels. Ils font bien mine de s’employer à se mettre à mort s’ils le peuvent. Palamède se rue sur Tristan et Tristan sur Palamède. Leur inimitié croît. S’ils étaient des ennemis mortels avant la bataille, ils le sont plus encore. Palamède est affecté et souffre de ne pouvoir vaincre Tristan. Tristan meurt de haine et de douleur quand il voit qu’il ne peut avoir le dessus sur Palamède qui se maintient si bien face à lui. Grande est la jalousie chez chacun d’eux. Grande est leur douleur. Les chevaliers sont plongés dans le combat, la douleur et la rancune. C’est merveille que Palamède ne soit mort pour le sang qu’il a perdu.

Les chevaliers du dehors, qui observent la bataille et voient les souffrances qu’endurent les combattants, vont trouver le roi Galehondin et lui disent :
« Ah, sire, comme vous agissez cruellement et vilement en acceptant qu’à votre cour les deux meilleurs chevaliers du monde s’entretuent devant vous ! Certes, s’ils meurent ainsi, ce sera une perte irréparable. Et le roi Arthur, qui est notre suzerain et le vôtre vous en voudra mortellement et vous déshonorera. Allez, sire, séparez-les. Ce serait une profonde douleur s’ils mourraient ainsi. » 

En entendant que les chevaliers s’accordent à leur séparation, le roi en est ravi. Il se lève instamment, se rend sur le champ en hâte, rejoint les deux chevaliers et leur dit :
« Arrêtez-vous, seigneurs chevaliers, car j’ai à vous parler ! »
Quand Tristan et Palamède ont reculé, le roi leur dit :
« Seigneurs, vous entrâtes sur ce champ pour la querelle des deux demoiselles. Certes, vous avez tant œuvré que nous en avons plus que supporté. Laissez cette querelle car je m’en occupe pour l’amour de deux hommes aussi valeureux que vous. Je donnerai tant à chaque demoiselle qu’elles seront satisfaites. Et votre bataille cessera. Car ce ne serait ni convenable ni acceptable que deux hommes aussi bons que vous et qui sont compagnons d‘armes, comme nous le savons, poursuivent une bataille jusqu’à la défaite. »
Palamède répond le premier au roi :
« Sire, il n’est pas juste que vous fassiez cesser la bataille que nous avons entreprise. Il existe bien une rancune entre nous. Nous nous étions mis d’accord pour nous éprouver dans le premier lieu où nous nous retrouverions. Nous aurions commencé la bataille et l’aurions finie jusqu’à la défaite de l’un de nous. »
En entendant ces paroles, le roi Galehondin dit :
« Seigneurs, rangez vos épées. Plus aucun coup ne sera donné aujourd’hui. Je suis peiné, devant Dieu, que vous ayez tant œuvré.
— Palamède, dit Tristan, il n’est rien qui ne finisse. Et si cette bataille ne peut encore se terminer, le jour viendra peut-être où elle s’achèvera. »

Selon le conte, après que Tristan ait quitté Palamède et le roi Galehondin, il décide de retourner à la Joyeuse Garde pour voir sa dame et la réconforter de son immense peine. Il sait que la reine souffre de son important retour. Tristan retourne vers la Joyeuse Garde le plus vite possible. Il y serait vite arrivé. Mais il lui advint à ce moment une aventure désagréable.

Lai d'Iseult à Tristan


Ami, puisque tant vous tardez,
Sachez que de douleur vous me tuez.
Je pleure et vous ne pleurez.
Je meurs et vous ne mourrez.

Ami, comment peut-il advenir
Que vous ne vouliez revenir ?
Le monde devrait périr
Quand sans moi vous pouvez tenir.

Ami, sans vous rien ne vaut.
Sans vous, peu me chaut.
Si jamais encore vous m’aimez,
Ne dites rien mais venez.

Générique

Enregistrement, montage, mixage et design sonore : Xavier Collet - hiver-printemps 2024
Musique originale : Nicolas Sarris et Xavier Collet
Avec : Nathalie Vinot (narration et chant), Nicolas Sarris (chant et piano) et Xavier Collet (synthétiseur modulaire)
Adaptation : Cécile Troussel

Série réalisée avec le soutien de la région Occitanie Pyrénées-Méditerranée et de l'État – Préfet de la région Occitanie
Tristan, tome 4, La Quête, est publié aux éditions Anacharsis. Traduction du moyen français par Isabelle Degage depuis le manuscrit 2537 daté du XVe siècle et conservé à la bibliothèque de Vienne.

40 lectures