Le Lai Véridique

Excédé par la vilenie du roi Marc, Dinadan compose un lai à son attention… les insultes fusent !
extrait-manus-lai-veridique.jpg

Personnage vil, excréments, ordure,
Déshonneur, vergogne, injure !
Je m’étonne comment Dieu endure
Que ta vie si longtemps dure.

Ce lai a été mis en musique par Nicolas Sarris et Nathalie Vinot : écoutez-le dans l'épisode bonus de la saison 3, le Lai Véridique.

fol272v.jpg
Feuillet 272, bataille entre les Cornouaillais et les Saxons
La scène prend place juste après l'épisode 3 de la saison 3 : bataille pour un royaume.

Tandis que le roi Marc était dans la plus grande fête et la plus grande joie parmi les barons de Cornouaille qui étaient tous rassemblés pour faire liesse au palais de Tintaïol, le harpiste parut devant lui. Dès que le roi le vit, il sut qu’il était étranger et il reconnut à la harpe qu’il portait qu’il venait du royaume de Logre. C’est pourquoi il l’appelle aussitôt, le fait venir devant lui et lui dit :
« Ami, comment se fait-il que tu voies tout le monde se réjouir, chacun montrant son art, et que toi, tu sois malheureux ? Amuse-toi, que Dieu te bénisse, et montre-nous ce que tu sais faire. Je vois bien que tu es harpiste. Joue du mieux que tu sais. »
Le harpiste répond instamment au roi Marc :
« Je ne veux pas jouer devant toi car je pourrais, dans un lai, dire des choses qui te fâcheraient peut-être contre moi. Mais peu m’importe ton courroux.
— Comment, bel ami ! s’étonne le roi Marc. Me crois-tu si insensé pour me fâcher contre toi à cause des paroles que tu me diras ? Jamais je ne serai en colère contre toi.
— Roi Marc, fait le harpiste, puisque tu m’as promis loyalement que tu ne t’irriteras pas contre moi, je jouerai à présent. Et vous, seigneurs barons de Cornouaille qui êtes rassemblés dans la joie à cette cour, je vous prie autant que je le peux d’écouter mon lai qui fut composé tout récemment. »
Il prend alors sa harpe et accorde les cordes entre elles car il possédait bien son art. Après l’avoir bien accordée, il prend la parole et dit au roi Marc :
« Sire roi, avez-vous jamais entendu parler du Lai Véridique ?
— Certes, dit le roi, j’ai écouté de nombreux lais qui disaient la vérité. Mais je n’ai jamais entendu parler et je ne me souviens pas d’un lai appelé “véridique”.
— Sire, répond le harpiste, sachez que jamais de votre vie vous n’avez entendu un lai plus vrai que celui que je vous chanterai. C’est pourquoi il a nom “véridique”. »
Après avoir dit ces mots, il débute son lai en chantant ainsi :
manus-lai-veridique.jpg
Retrouvez la traduction du Lai Véridique dans l'épisode bonus de la saison 3 : le Lai Véridique.
07-visu-podcast-ep-bonus.jpg

Qui était devant le roi Marc lorsque le harpiste jouait et prit garde à son visage et à son expression put bien apercevoir qu’il était extrêmement malheureux et furieux. Il en avait toute l’apparence. Quand le harpiste a fini de déclamer et de chanter son lai, le roi ne peut se taire car il était excédé et lui demande :
« Dis-moi, frère, que Dieu te bénisse, qui composa ce lai que tu as joué ? »
Le harpiste lui répond :
« Sire, apprenez que Dinadan l’écrivit et me l’apprit. Et pour qu’il fût chanté devant tous les membres de votre cour, il m’envoya en Cornouaille. Aucune autre raison ne m’y amena. Sachez-le. Et je sais bien qu’il me dit, il y a guère de temps, que vous proférâtes des calomnies sur le meilleur homme du monde. Et puisque vous avez parlé contre celui qui surpasse tous les autres, ce n’est pas étonnant qu’il médise de vous.
— Frère, fait le roi Marc, que Dieu te garde, comment as-tu eu l’audace de venir en Cornouaille pour dire sur moi de telles paroles ?
— Sire, répond le harpiste, qui font les grandes folies de ce monde sinon les fous ? Les fous font les grandes folies et les sages agissent avec sens. Soyez certain, sire roi, que si j’avais été sage, je n’aurais jamais dit devant vous ce que j’ai dit. Mais la folie qui loge en moi m’en a donné l’audace en sus de l’assurance que vous m’avez accordée. Sire, je vous ai répondu selon la folie dont je suis empli.
— Frère, fait le roi Marc, sache que je ne te ferai aucun mal cette fois parce que je te l’ai assuré devant les hommes de qualité ici présents. Mais je t’ordonne qu’à partir de ce jour, tu ne sois pas assez fou pour rester en Cornouaille. Va-t’en vite, tu seras sage. Car je t’affirme que si tu y demeures longtemps, tu auras des ennuis. Si tu tiens à la vie, pars vite de Cornouaille. Si tu y séjournes plus longuement, tu seras avili. »
En entendant cette nouvelle, le harpiste lui dit de nouveau pour le fâcher plus encore :
« Roi Marc, ce lai est tout nouveau et récemment trouvé. Et parce que l’on dit communément par proverbe “tout nouveau, tout beau”, je croyais qu’il t’aurait plu. Mais puisque je vois qu’il te déplaît, je me tairai et ne t’en parlerai plus. »
En entendant qu’il se moque de lui, le roi Marc lui répond, plus fâché que précédemment :
« Frère, disparais de ma vue. Ne t’arrête pas car je te ferai détruire, sache-le. »

857 lectures