En attendant Nadeau

Des extraits lus de la traduction, au fil de chacun des volumes, ponctués de mises en musique des insertions lyriques, librement interprétées par des compositeurs et des musiciens contemporains, témoignent d’un remarquable travail de réappropriation de l’esprit créatif médiéval. Ce prolongement virtuel fait entendre la singularité de l’œuvre traduite, rend à la littérature médiévale son souffle, sa transversalité, son sens de la communauté et sa force d’inspiration pour la création et pour l’édition contemporaines, Joyeuse Garde de notre temps.

Enquête sur les amants de Cornouailles

« Le lecteur aura beau se lever tôt, il prendra toujours l’histoire en cours, elle aura déjà débuté », écrit avec justesse l’écrivain Pierre Senges à propos du roman de Tristan en prose, dont les éditions Anacharsis proposent depuis 2019 une traduction au long cours d’Isabelle Degage. Non seulement, bien sûr, parce que Pierre Senges prend l’histoire en cours de route, en préfaçant le volume central d’une traduction-somme qui en compte cinq et suit l’histoire tristanienne de la naissance à la mort de ses héros ; mais aussi parce que la somme en prose qu’est cette version de l’histoire des amants de Cornouailles est un palimpseste aux multiples couches.
par Nathalie Koble

En s’engageant dans l’aventure tristanienne, lecteurs et lectrices d’hier et d’aujourd’hui sont, en effet, radicalement plongés au cœur même de l’invention romanesque médiévale – arborescente, labyrinthique, et fondamentalement inachevée, à l’image des grandes cathédrales gothiques qui lui sont contemporaines. Ce choix d’une fiction tentaculaire va de pair avec une autre invention alors révolutionnaire : la prose en langue vernaculaire. En lisant la version de la légende tristanienne proposée par les éditions Anacharsis, les lecteurs ne doivent pas s’attendre à découvrir les origines – toujours dérobées – de l’intrigue passionnelle qui a innervé toute la culture occidentale. En revanche, ils sont conviés à une naissance plus passionnante encore : celle qui associe prose et roman et fait de la fiction le lieu d’une ambitieuse enquête, toujours en devenir.



La traduction, très fluide, plonge avec aisance le lecteur dans la fabrique, polyphonique, du roman médiéval, judicieusement divisé ici en cinq saisons ; elle est surtout prolongée par des pièces annexes, proposées sur le site des éditions Anacharsis : des extraits lus de la traduction, au fil de chacun des volumes, ponctués de mises en musique des insertions lyriques, librement interprétées par des compositeurs et des musiciens contemporains, témoignent d’un remarquable travail de réappropriation de l’esprit créatif médiéval. Ce prolongement virtuel, loin d’être maladroit ou anecdotique, mérite d’être salué : il fait entendre la singularité de l’œuvre traduite, rend à la littérature médiévale son souffle, sa transversalité, son sens de la communauté et sa force d’inspiration pour la création et pour l’édition contemporaines, Joyeuse Garde de notre temps.

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