Épisode 1 : la naissance

Dès qu’il fut couronné, Marc, roi de Cornouaille, fit en sorte que Méliadus, son puissant voisin roi de Loenois, prit pour femme sa sœur ainée Elisabeth. Méliadus et Elisabeth s’aimaient passionnément, et tous éprouvèrent une grande joie en apprenant que la reine était enceinte. Mais un jour, le roi Méliadus disparaît mystérieusement pendant une partie de chasse. La reine Elisabeth part alors en secret à sa recherche.

Tout en recherchant Méliadus, la reine voit venir Merlin le Sage qui descendait juste d’un rocher et s’en allait tout seul dans la forêt. Quand il voit la reine, il se dirige vers elle et la salue. Le prenant pour un forestier, la reine lui rend son salut et lui demande, triste et dolente : « Pardon, forestier, pourrais-tu me donner des nouvelles de mon seigneur le roi Méliadus qui est perdu dans cette forêt, nous ne savons par quelle aventure ?

— Dame, répond Merlin, il est sain et sauf. Il est mieux traité que n’importe qui d’autre. Mais je vous assure bien que vous ne le reverrez plus. » Ceci dit, il disparaît si vite que la reine ne sait ce qu’il est devenu. Aussitôt elle se met à pleurer des nouvelles que Merlin lui avait données et son chagrin est si grand qu’elle n’a plus la force de chevaucher. Et la voilà qui glisse entre les rochers en un lieu très étrange et très sauvage.

À tant pleurer, l’angoisse la saisit avec les douleurs de l’enfantement. Elle s’était tant démenée qu’elle était sur le point d’accoucher.

Toute la journée et toute la nuit, la reine fut en travail si péniblement que c’est merveille si elle n’en perdit pas la vie. Quand le jour se leva, elle mit au monde un fils.

« Mon fils, dit la dame, j’ai tellement désiré te voir. Or te voilà, Dieu merci. Tu es la plus belle créature que jamais femme ne porta. Mais ta beauté me fera peu de bien car je vais mourir de t’avoir donné la vie. Triste, je suis venue ici et triste je t’ai accouché. Et la première fête que je t’offre est une fête de douleur et de tristesse et c’est dans cette tristesse que je vais disparaître. Tu es né dans la tristesse. Je te donnerai un nom rappelant ta première aventure. Je t’appellerai Tristan. Dieu veuille que la vie te donne meilleure joie et meilleure aventure que ta naissance ne t’apporte. »

Cette parole dite, elle embrasse son enfant et l’âme s’échappe de son corps. Ainsi mourut la reine, comme je vous conte, dans cette peine et dans ce travail.

 

Le lai mortel

Je fis chansonnettes et lais.
Mais à présent toutes les laisse.
Je fais ici mon dernier lai.
Amour me tue, n’est-ce pas, beau lai ?

Je fais ma dernière plainte.
Puisque je vois ma vie éteinte
Et ma chair de couleur teinte,
En chantant j’en fais la complainte.

Hélas, je meurs, nul ne me plaint.
Ma propre mort mon cœur étreint.
Toutes mes prouesses sont éteintes.
La mort m’a ici atteint.

 

Générique

Enregistrement : Studio Doudou Records - printemps 2019
Réalisation et mix : Sika Gblondoumé
Adaptation : Cécile Troussel
Musique originale : Sika Gblondoumé et Nicolas Sarris
Avec : Sika Gblondoumé (narration et chant) et Nicolas Sarris (chant, guitare, bouzouki, laouto)
Merci à Aurélien Lambert pour son aide à la réalisation, à Susann Vogel pour la direction de mise en voix et à Elouan Hardy pour avoir prêté sa voix pour le générique.
Coproduction : Éditions Anacharsis / Studio Doudou Records – 2019
Série réalisée avec le soutien de la région Occitanie Pyrénées-Méditerranée
Tristan, tome 1, le philtre, est publié aux éditions Anacharsis. Traduction du moyen français par Isabelle Degage depuis le manuscrit 2537 daté du XVe siècle et conservé à la bibliothèque de Vienne.

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