Epaminondas Remoundakis, Crétois

Au milieu de la côte sud de cette province de Sitia, à une demi-heure de la mer, perché sur une colline, se trouve le village d’Agia Triada. Il fait face à la mer de Libye et, sur sa droite, s’étendent des terres en friche nommées Karkalès, aujourd’hui transformées en champs d’oliviers. Ici, chaque pierre, chaque poignée de terre a son histoire… (VM, p. 13)

Famille Remoundakis en 1916. Epaminondas, âgé de deux ans est assis sur les genoux de sa mère Kléanthi
Famille Remoundakis

Epaminondas, âgé de deux ans est assis sur les genoux de sa mère Kléanthi.

Les stivania, premières bottes de Remoundakis </p> <em>« Va chercher une vieille paire de stivania de ton père, moi je te fabriquerai des bottes avec le cuir de la jambière. » Je cours à la maison, je déniche ce qu’il faut et je retourne aussitôt chez lui. Quelques jours plus tard, mes stivania étaient presque finis, il ne restait plus qu’à mettre la semelle. Alors, regardant faire le cordonnier, je lui précise que mes bottes doivent absolument craquer et crisser quand je marcherai, comme celles de mon père. « Dans ce cas-là, me dit kir-Stavros, il faut m’apporter cinq œufs pour les enduire. »</em>
Les stivania, premières bottes de Remoundakis

« Va chercher une vieille paire de stivania de ton père, moi je te fabriquerai des bottes avec le cuir de la jambière. » Je cours à la maison, je déniche ce qu’il faut et je retourne aussitôt chez lui. Quelques jours plus tard, mes stivania étaient presque finis, il ne restait plus qu’à mettre la semelle. Alors, regardant faire le cordonnier, je lui précise que mes bottes doivent absolument craquer et crisser quand je marcherai, comme celles de mon père. « Dans ce cas-là, me dit kir-Stavros, il faut m’apporter cinq œufs pour les enduire. » (VM, p. 40)

Four à chaux </p> <em>Construire un four à chaux n’est pas un jeu d’enfants. Il faut d’abord creuser un grand trou circulaire profond de trois à quatre mètres, puis bâtir autour de cette fosse un mur de pierres calcaires d’un mètre de haut. Ensuite les maîtres artisans montent une voûte parfaitement régulière en usant de la même roche, toujours sans aucun mortier. Au sommet, on ménage une ouverture qui permettra à la fumée de s’échapper.</em>
Four à chaux

Construire un four à chaux n’est pas un jeu d’enfants. Il faut d’abord creuser un grand trou circulaire profond de trois à quatre mètres, puis bâtir autour de cette fosse un mur de pierres calcaires d’un mètre de haut. Ensuite les maîtres artisans montent une voûte parfaitement régulière en usant de la même roche, toujours sans aucun mortier. Au sommet, on ménage une ouverture qui permettra à la fumée de s’échapper. (VM, p. 16)

L’alambic </p><em>Le mystato, récipient en terre cuite à fond plat et large ouverture, recouvert d’une fine gaze de coton, recueille la raki. Au début, l’alcool coule goutte à goutte, puis en un mince filet de l’épaisseur d’un spaghetti et enfin à son débit normal comme un gros macaroni.</em>
Alambic

Le mystato, récipient en terre cuite à fond plat et large ouverture, recouvert d’une fine gaze de coton, recueille la raki. Au début, l’alcool coule goutte à goutte, puis en un mince filet de l’épaisseur d’un spaghetti et enfin à son débit normal comme un gros macaroni. (VM, p. 27)

Église Agia-Triada </p><em>Mais mon grand-père était têtu ! Un soir, accompagné des sept minoritaires, il a percé la façade nord de l’église en trois endroits. Ces orifices ne mettaient pas la construction en danger, mais leur taille permettait aux cochons, aux poules et autres bestiaux d’entrer et sortir librement.</em>
 

Sur un replat en contrebas de notre village, Tso, comme on l’appelait donc à l’époque, se trouvait notre petite église dédiée à l’Assomption de la Vierge. Au début du siècle déjà, elle était trop exiguë pour contenir tous les villageois. Une année, après les fêtes de Pâques, constatant qu’une bonne moitié des fidèles étaient condamnés à suivre l’office en restant à l’extérieur, mon grand-père a invité les quarante chefs de famille à discuter de l’agrandissement de l’église. Chacun ayant exprimé son point de vue, on est passé au vote : négatif. Trente-trois voix contre et huit pour. L’affaire paraissait bouclée. Mais mon grand-père était têtu ! Un soir, accompagné des sept minoritaires, il a percé la façade nord de l’église en trois endroits. Ces orifices ne mettaient pas la construction en danger, mais leur taille permettait aux cochons, aux poules et autres bestiaux d’entrer et sortir librement. (VM, p. 15)

Cheromylo </p><em>Mais le délice de tout le monde était la spécialité de la région appelée avec humour cheromylopitès, c’est-à-dire « galettes au moulin à bras ». Elles se préparaient ainsi : on prenait du blé rouge à gros grains, « de la grosse blé » comme on disait, dont on enlevait les petits cailloux et autres saletés. Puis on plaçait par terre une couverture pliée, par-dessus une toile propre et on installait le cheromylos qui reproduisait en miniature un grand moulin, mais employant comme force motrice… nos bras.</em>
Cheromylo 

Mais le délice de tout le monde était la spécialité de la région appelée avec humour cheromylopitès, c’est-à-dire « galettes au moulin à bras ». Elles se préparaient ainsi : on prenait du blé rouge à gros grains, « de la grosse blé » comme on disait, dont on enlevait les petits cailloux et autres saletés. Puis on plaçait par terre une couverture pliée, par-dessus une toile propre et on installait le cheromylos qui reproduisait en miniature un grand moulin, mais employant comme force motrice… nos bras. (VM, p. 63)

Dromonero </p><em>Au lever du jour, nous avons atteint Dromonero. Là jaillit une source, dans une fontaine de pierre à trois bassins, qui rafraîchit les bêtes et les passants. Le cheval n’avait pas soif, nous nous sommes remis en marche. Le soldat et Giannis racontaient des histoires d’armée et, de temps en temps, me demandaient si je voulais quelque chose. Je disais non, et je retombais dans mon mutisme.</em>
Dromonero 

Au lever du jour, nous avons atteint Dromonero. Là jaillit une source, dans une fontaine de pierre à trois bassins, qui rafraîchit les bêtes et les passants. Le cheval n’avait pas soif, nous nous sommes remis en marche. Le soldat et Giannis racontaient des histoires d’armée et, de temps en temps, me demandaient si je voulais quelque chose. Je disais non, et je retombais dans mon mutisme. (VM, p. 80)

Carte d'étudiant </p><em>La première année s’est passée agréablement. En fait il y avait seulement trois cours principaux. Svolos enseignait le droit constitutionnel. C’était un sage d’allure et d’esprit. En le regardant, on croyait voir le divin Platon.</em>
Carte d'étudiant

La première année s’est passée agréablement. En fait il y avait seulement trois cours principaux. Svolos enseignait le droit constitutionnel. C’était un sage d’allure et d’esprit. En le regardant, on croyait voir le divin Platon. Maridakis professait le droit administratif. Extraordinaire orateur, clair, convaincant, il avait un débit de cent trente mots à la minute. J’admirais tant sa belle voix et son allure virile que je croyais voir autour de sa tête l’auréole d’un saint des icônes ! (VM, p. 144)

Photo de classe à l'université </p><em>1935 a été une année fatale, pleine d’événements tragiques. J’en étais alors à ma troisième année de droit. Au mois de mars la situation politique s’est brusquement détériorée avec le coup d’État manqué du général Plastiras auquel Venizelos avait apporté son plein soutien.</em>
Photo de classe à l'université

1935 a été une année fatale, pleine d’événements tragiques. J’en étais alors à ma troisième année de droit. Au mois de mars la situation politique s’est brusquement détériorée avec le coup d’État manqué du général Plastiras auquel Venizelos avait apporté son plein soutien. (VM, p. 147)

Photo 1, 2, 3, 4 : collection personnelle de Maurice Born
Croquis de Maurice Born