Épisode 7 : le philtre

Tristan se rend en Irlande et accomplit plusieurs exploits qui lui valent la reconnaissance du roi, père d’Iseult. La réconciliation est scellée et le roi lui accorde la main de sa fille pour le roi Marc. Pourtant, le roi voit en rêve les futurs malheurs de sa fille et de Tristan, vision confirmée par les prédictions d’un sage. La reine, mère d’Iseult, confie alors un philtre à Gouvernal et Brangain.

« Voyez ce vase d’argent rempli d’un breuvage merveilleux. Quand le roi Marc sera allongé avec Iseult la première nuit qu’ils passeront ensemble, donnez au roi Marc ce breuvage, puis à Iseult. Dès qu’ils auront bu, jetez le reste et méfiez-vous que nul n’en boive car trop de malheurs en résulteraient. »

Ils le reçoivent et l’emportent avec eux sur le navire.

Ils quittent à présent la terre car les marins avaient réuni tout ce dont ils avaient besoin. Le temps est beau, l’air pur, la mer sans colère ni tourment et le vent favorable selon leur gré les éloigne de la terre dès que la voile est hissée. Le quatrième jour, aux alentours de midi, Tristan jouait une partie d’échecs avec Iseult. Le temps était caniculaire et Tristan n’était vêtu que d’une cotte légère en soie. Iseult portait une robe en satin vert. Tristan, qui avait chaud, demande à boire. Gouvernal et Brangain vont chercher des boissons. Gouvernal prend le vase sans se méfier et Brangain saisit la coupe en or et l’apporte à Tristan. Gouvernal verse le breuvage et Brangain le présente à Tristan. Et, lui qui avait chaud et qui était désireux de boire, boit à la coupe pleine et trouve le vin délicieux. Quand il a bu, il ordonne que l’on verse du vin à Iseult et ses ordres sont exécutés. Elle reçoit la coupe et boit.

Ah, Dieu ! Quel breuvage ! Comme il leur a été nuisible depuis ! Les voilà qui ont bu. Les voilà entrés dans la danse qui jamais ne finira tant qu’ils auront la vie au corps. Les voilà qui ont pénétré dans une fausse voie où ils souffriront douleur, angoisse, tourment, peine, honte, chagrin et fatigue toute leur vie. Ah, Dieu ! Quelle douleur ! Ils ont bu leur destruction et leur mort.

Gouvernal et Brangain sont effondrés mais ceux qui ont bu le philtre n’y songent pas. Ils ne pensent qu’à se mirer l’un l’autre. Tristan admire la beauté d’Iseult. Il s’éprend d’elle et s’enflamme si passionnément qu’il ne désire rien excepté Iseult. Et Iseult ne veut que Tristan. Les deux ressentent le même désir. Plus rien ne compte. Il ne sert à rien de se cacher. Le roi Marc est oublié. Tristan avoue ses sentiments à Iseult, combien il l’aime de tout son cœur, et Iseult lui dévoile ses pensées. « Tristan, fait-elle, quel bonheur ! Si tu m’aimes, j’en suis heureuse car je n’ai jamais aimé personne à part toi et n’aimerai que toi tant que je vivrai. Et j’ignore d’où me vient cette passion, sache-le vraiment. »

Que vous dire ? Puisque Tristan sait qu’Iseult partage ses sentiments, il n’y a nul obstacle car ils sont seuls dans une chambre ; ils ne se méfient d’aucune intrusion et n’ont peur de personne. Il fait d’elle ce qu’il lui plaît et lui ravit le nom de pucelle.Ainsi, comme je vous le raconte, et dans de telles circonstances, Tristan tomba amoureux d’Iseult la Blonde si passionnément que jamais plus son cœur ne la quitta.

 

Le lai mortel

D’amour m’est ainsi advenu
Comme à celui qui a tenu
En son sein le serpent nu
Et puis en est à la mort venu.

Son serf je suis et le serai toujours.
Pour Iseult vers la mort je m’enfuis.
En mourant sien, je fuis et je suis.
Mon âme n’aura d’autre secours.

Que je dise blâme et reproche
Contre ce dur Amour qui me touche,
Qui de ce violent venin me couche,
Si bien qu’il me clouera un jour la bouche.

 

Générique

Enregistrement : Studio Doudou Records - printemps 2019
Réalisation et mix : Sika Gblondoumé
Adaptation : Cécile Troussel
Musique originale : Sika Gblondoumé et Nicolas Sarris
Avec : Sika Gblondoumé (narration et chant) et Nicolas Sarris (chant, guitare, bouzouki, laouto)
Merci à Aurélien Lambert pour son aide à la réalisation, à Susann Vogel pour la direction de mise en voix et à Elouan Hardy pour avoir prêté sa voix pour le générique.
Coproduction : Éditions Anacharsis / Studio Doudou Records – 2019
Série réalisée avec le soutien de la région Occitanie Pyrénées-Méditerranée
Tristan, tome 1, le philtre, est publié aux éditions Anacharsis. Traduction du moyen français par Isabelle Degage depuis le manuscrit 2537 daté du XVe siècle et conservé à la bibliothèque de Vienne.

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