Là-dessus s’en vient Merlin qui leur dit : « Ces deux chevaliers sont dignes de mort. Retenez-les et je vous révèlerais leur déloyauté. Ils furent aussitôt mis en prison et, d’une seule voix, l’assistance jura qu’ils n’en sortiraient pas avant que l’enfant n’eut été retrouvé. Merlin dit aux barons de Loenois : « Voici comment vous pourrez revoir votre seigneur. Vous entrerez dans la forêt et irez tout droit à la roche de la tour. Vous trouverez le roi Méliadus prisonnier d’un sort qui lui a ôté tout souvenir. Ainsi tout a-t-il disparu loin derrière lui par la faute d’une créature qui est la dame de la tour et qui aime votre seigneur plus que tout au monde. Emparez-vous de cette personne et contraignez-la à lever cet enchantement afin que le roi retrouve son bon sens. Mettez-la à mort ou elle recommencerait. » Ceux de Loenois demandent à Merlin : « Qui êtes-vous, sire, pour nous donner ces ordres ? — Je suis un étranger, fait-il, que vous importe qui je suis. Mais ce que je vous dis, faites-le pour votre bien et non pour le mien. »
Les barons suivirent les conseils de Merlin et ramenèrent leur roi à la cité d’Albine. C’est là que la demoiselle le retrouva pour lui rendre son fils, Tristan.
Merlin dit au roi : « Roi, je te dirai qui je suis, mais ne le révèle à personne. » Et le roi lui promet de ne rien faire contre sa volonté. « Je te dirai alors qui je suis, fait Merlin. Je me nomme Merlin le Prophète. Je suis venu ici en grande nécessité pour te délivrer de la prison où la demoiselle t’avait enfermé grâce à un sortilège. Je t’ai plus aidé pour ton fils que j’aime tant que pour toi. — Dis-moi, Merlin, bel ami, demande le roi, qu’as-tu à m’apprendre sur mon fils ? Crois-tu qu’il devienne un jour vaillant ? — Oui, répond Merlin. Il sera un des meilleurs chevaliers du monde. Il surpassera tout ton lignage par ses qualités chevaleresques. Mais il connaîtra bien des peines et des tourments. Fais-le bien garder car il sera indispensable à maints hommes valeureux ; fais-en sorte qu’il n’ait d’autre protecteur que Gouvernal de Gaule. Il est loyal. Il le gardera avec dévouement ».
Le lai mortel
J’ai déjà couru maintes chasses,
Je suis atteint, la mort me happe.
Je meurs, c’est certain à ma face,
Le pire, qu’à présent, elle me fasse.
Encore j’aime plus que nul autre. Pour tel,
Le portail de ma mort je vois.
Le lai mortel finit avec moi.