Un roman de divertissement

C’est toute une mythologie qui nous est restituée, et qui offre à la chevalerie de l’automne du Moyen Âge un miroir où trouver sa conduite à tenir. Il faut bien se figurer que le roman a été conçu à destination des aristocrates et chevaliers (pas toujours de fins lettrés), et qu’il était reçu par eux un peu comme aujourd’hui les séries télévisées le sont du grand public.

Car Tristan nous présente aussi un monde vivant – et notablement imparfait : les histoires contées sont emplies d’adultères, de trahisons, d’incestes, de parole donnée puis reprise, de haine farouches, d’amitiés inconstantes, de suicides, de combats mortels.

Et l’efficacité des effets scénaristiques produits par la cadence proprement infernale de l’action accouche pour cette raison d’une espèce de littérature populaire à vocation avant tout divertissante. On pourra en même temps et à loisir y retrouver les noyaux – ici disposés comme des motifs d’ornements – de tous les mythes archaïques que l’on voudra, en remontant jusqu’à Sophocle et son Œdipe.

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Joseph d'Arimathie et son frère Bron, Codex 2537, feuillet 4

Cet ensemble composite, objet de mille variations, est cependant orienté à mesure que progresse le roman. De l’histoire des ancêtres de Tristan puis de ses amours avec Iseult, on glisse vers la Table Ronde, les errances de Lancelot et la quête du Graal, jusqu’à un crépuscule final qui met un terme à ce monde mythique.

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