4. Dissertation 4

Jean-Suzanne Martin ne laisse d’autre indication que celle d’habiter « à l’adresse du citoyen Isaac Bassoua, propriétaire à Caraman », Haute-Garonne.

Discite justitiam monite et non temere Divos. Virg

Les traitements barbares exercés sur les animaux sans nécessité pour des besoins physiques, sans autorisation, sans avantage pour l’humanité, ne doivent être différemment considérés, que ceux exercés sur des hommes, que parce que ces actions n’ont encore eu pour objet que des animaux et que ces traitements exercés sur des hommes ont déjà produit le mal ou une partie du mal qu’il pouvaient produire ; mais si l’on considère qu’ils peuvent bientôt étendre leurs effets jusqu’aux hommes, il faudra y faire attention et prendre des mesures pour éviter qu’ils ne leur deviennent nuisibles : il importe peu que ceux qui les maltraitent ignorent ou n’ignorent pas que les animaux sont sensibles.

[…] Les animaux pris généralement ne se doivent rien entre eux [2] s’ils ne s’affectent pas des maux de leurs semblables ; outre plusieurs autres qualités qui les caractérisent c’est aussi peut-être parce qu’ils sont sujets aux mêmes incommodités, qu’ils ont les mêmes goûts, qu’ils se chérissent plus particulièrement : et qu’ils sont reconnus par espèces. Ce n’est ni sous le rapport de leurs douleurs, de leur ressemblance, ni de leurs inclinations, que l’on doit les considérer ; mais c’est sous le rapport de leur sensibilité, ou de leur dureté qu’on doit déterminer ce qu’ils se doivent, pour les estimer en général, bon ou mauvais ; mais dans la législation dont il s’agit ici, on ne doit les considérer que sous le rapport que leurs actions peuvent influer sur le bonheur des hommes, ou sur l’ordre social seulement : la proposition ne devrait pas, non plus, être prise généralement, dans cette section de lois particulières à l’égard des sensations dont s’occuperaient les lois, si on en causait et l’étendre à tous les animaux en général qui peuvent nuire puisqu’on n’a eu point à s’occuper de toutes les espèces d’animaux, mais d’une seule ; on devrait distinguer aussi, celles des sensations qui avancent d’une plus grande sensibilité, de la part de celui qui les éprouve et qui agit, pour les estimer plus au moins 11 graves, plus ou moins louables, je me sers de ces expressions, souvent qu’elles sont plus avantageuses, ou plus préjudiciables à ceux sur qui doivent retomber les effets des actions, qui en font la suite ; sur lesquelles sensations, ils s’arrêtent, plus ou moins, il est plus ou moins probable qu’ils ont voulu faire du mal ; ceux des animaux par conséquent qui compatissent, d’avec ceux qui ne s’affectent pas, n’appliquer le [3] principe qu’aux hommes, puisqu’on ne voudrait former que les mœurs des hommes et juger l’intention ; juger différemment celles des actions, qui sont l’effet de la réflexion, d’avec celles qui ne suivent qu’un mouvement naturel, ou une obligation utile, par conséquent digne de louange, ne jamais se déterminer pour les peines, qu’après une pleine conviction, s’ils s’agissait d’une explication de peine. […]
[6] Nos sensations comme nos pensées, ainsi que les mouvements et les idées qui les précédent, sont acquises ; ainsi que nos sentiments, qui en résultent après que nous avons délibéré, ou si en contemplant, le plaisir et l’aversion que nous ressentons, ou la manière dont nous sommes émus, qui donnent le caractère à nos sentiments, nous ne voyons [7] pas un tel danger, qui nous porte à prendre un parti violent, tandis qu’il n’y en a pas à prendre une voie de douceur, si, dis-je, nous nous décidons par goût ou par quelqu’autre intérêt, pour la méchanceté dès lors nous sommes coupables et méchants.
Il faut prendre contre toute espèce de brutalité, envers un être vivant quelconque, ou tout autre animal insensible qui serait à craindre (a)
Ici l’on confond tout être qui peut nuire compris sous le mot animal.
Des précautions qu’on prendrait contre un homme ou tout autre animal supposé réfléchi, qui aurait à n’en pouvoir douter des dispositions à nuire, à qui il en coûterait de se décider à faire souffrir, cet être dur, ainsi que cet être insensible, puisque la conduite serait à craindre, serait redoutable aux hommes : dès qu’il est assuré, qu’il y a de la barbarie dans sa manière d’agir, et qu’il a cependant franchi les bornes de la modération, il ne peut plus rien attendre de bon de son naturel, que pourrait-il arriver de mieux pour le salut des autres et à lui-même pour éviter leur aversion, si ce n’est qu’il fut tenu par un sentiment doux ; il a mérité leur haine, il a hésité par un mouvement d’horreur !
Les hommes qui ont exercé des traitements barbares contre des animaux, avec intention de leur faire le mal qu’ils leur font [8] ou avec intention de leur nuire ; c’est-à-dire convaincus qu’ils font du mal, sont coupables envers la nature, envers l’humanité, ou envers la nature humaine, unum et idem. Ils ont fait silence à ce doux penchant d’une belle âme, pour tout ce qui est bon pour tout être sensible, si heureusement avantageux à l’espèce humaine et si salutaire à chaque individu : il n’est point de sûreté pour l’homme ; sa vie et son bien-être sont en danger ; ces dérèglements peuvent étendre leurs effets jusqu’à lui ; il n’est point de sûreté personnelle, ses droits civils ne seront pas infailliblement respectés : il n’y a pas même jusqu’à ses droits politiques qui ne puissent en souffrir : jusqu’où la corruption du cœur humain n’étend-elle pas ses ravages !... la politique a manqué son objet, le bonheur de l’homme policé n’a pas toute l’étendue qu’il pourrait avoir ; il n’est point de garantie, absolument parlant, contre de pareils excès, si l’on ne peut porter de remède [9] à ce mal qu’après en avoir senti les effets : nos habitudes viennent souvent de si loin que sans soupçonner que nous dussions les rapporter à des causes aussi éloignées, nous pourrions cependant leur donner une telle origine : c’est le cas de dire alors que qui est coupable de la cause est coupable de l’effet ; en péchant contre l’humanité, lorsque les dommages ne peuvent retomber que sur des brutes, ils n’ont encore aucune peine. L’Auteur de la nature ou notre propre sensibilité après une telle action, sont les seuls vengeurs compétents ; en outrageant l’humanité, sous le rapport que cette conduite peut devenir nuisible à leurs semblables, ils ont encore l’indignation des hommes qui en faisaient justice ; peut-être illégitimement eux-mêmes, si cela devient trop fréquent : la société doit-elle-même mettre un terme à ces attentats qui peuvent porter atteinte à l’ordre établi. […]
[11] Les traitements barbares exercés sur les animaux sans nécessité pour des besoins physiques, gratuitement, sans profit pour la civilisation, sans avantage pour l’humanité, qui ne partent pas enfin d’un principe de vertu, qu’on aye éprouvé de la répugnance, ou qu’on n’en aye pas éprouvé, intéressent la morale publique, jusqu’à ce point et sous ce point de vue que ceux qui les exercent peuvent dans la suite, nuire aux hommes et porter atteinte à leur bonheur.
Il paraît qu’on doit faire des lois contre ceux qui commettent des excès de cruauté, contre des animaux, sans y être [12] obligés, comme nous venons de le dire, pour donner une parfaite sécurité aux hommes, pour perfectionner la morale publique et pour faire en sorte d’arriver à faire jouir l’espèce humaine, de tout le bonheur dont elle est capable de jouir.
[…]